Papatitude 7

Publié le par paul geister

 

Le feu est revenu dans la cheminée. Je regarde distraitement les flammes en donnant le biberon à Noéline. Feu divin comme tu es splendide. Ma fille te regarde avec de grands yeux émerveillés au début. Puis la lumière amincit sa prunelle. Ses petits feulements s’estompent dans le crépitement.

Sur l’écran de télévision, un speaker de l’information matinale lance les nouvelles du jour :

Les chômeurs, tremblement de terre, trois milliards de morts à gauche, trois milliards à droite, heureusement qu’il y a des blessés sinon nous serions seuls sur terre, sida, famine, attentats, révolution…

Dehors, il pleut sur la route et dans le jardin. L’eau qui tombe est glacée. Le ciel inquiet renforce l’angoisse du village. On se calfeutre et on ne veut plus sortir.

Ô ma fille, quel monde vivons-nous ? Tu riras et tu t’enrhumeras en sortant. La pierre du foyer restera chaude pour toi. Elle protégera ta peau délicate, le duvet fin qui joue au-dessus de tes beaux yeux. L’amour…la guerre…sur quoi se refermeront tes petites mains impuissantes qui battent, débiles, ton visage. Tu connaîtras l’ivresse de la victoire et l’amertume de la défaite.

Ton biberon se termine, tu es dans mes bras et je t’observe. Maintenant que tu dors toute la nuit, tu pleures moins, tu souris davantage et gazouilles de plus en plus. Notre sommeil, à ta mère et moi, revient à la normale et nous retrouvons progressivement notre énergie.

Allez, il ne faut point m’attendrir. Je dois te préparer pour t’emmener chez la nourrice. Elle nous attend. Je mets les couches et les biberons dans un sac. Je prends le lit de camp et je t’installe dans la voiture. Nous avons juste cinq cents mètres à parcourir.

J’arrive au 32. Je décharge le siège auto de la voiture et vais sonner à une petite maison de briques rouges à la porte en bois. Une femme, la quarantaine bien avancée, blonde, à lunettes, les lèvres minces et le menton volontaire, ouvre.

-         Vous êtes Paul Geister, le mari de la dame qui m’a appelé. Entrez, je vous en prie.

Elle est un peu nerveuse. Elle désire faire bonne impression. De prime abord, elle a l’air sympathique.

-         J’ai encore tout le reste à descendre de la voiture, si vous pouvez me tenir ma fille.

-         Pas de problème. Comme cela nous allons pouvoir faire connaissance.

Je sors du coffre le lit à bébé et tout le matériel indispensable : lait en poudre, chauffe biberon, transat et quelques jouets d’éveil. Lorsque j’entre à nouveau chez la nourrice, Madame Roussel, je remarque deux gros chats allongés sur le buffet du salon.

-         Vous n’avez pas peur avec la petite.

Elle se voulut tout de suite rassurante.

-         Ne vous inquiétez pas ils ont l’habitude. Ils ne touchent jamais à un bébé.

-         Il suffit d’une fois.

-         Non, je vous assure. Et puis en ce moment je n’ai que votre fille à garder. J’avais des jumeaux de trois ans mais leur père a eu une mutation. Ils sont partis fin Novembre.

Dans le salon, il y a un coffre à jouets. Rangé. Il y a aussi un parc. Il faudra que je pense à en acheter un pour ma fille. Je ne vais pas la laisser toute sa vie dans son siège auto.

J’explique rapidement à la nourrice les usages de ma fille. C’est une professionnelle. Elle me le prouve et me rassure pleinement.

Ma petite fille se met à pleurer.

-         Je vous laisse vous en occuper. Je suis sûr qu’elle est entre de bonnes mains. Je reviens la chercher vers 17h00. Lorsqu’elle pleure, le meilleur moyen de la calmer, c’est de la prendre dans les bras.

Elle se précipite, désireuse de me montrer toute sa compétence professionnelle.

-         Sinon vous avez la tétine dans la poche avant du sac noir, et je m’en vais.

Publié dans jeux d'écriture

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