Papatitude 6

Publié le par paul geister

 

Noéline change à vue d’œil. Elle dépasse six kilos maintenant et fait près de soixante centimètres. Son périmètre crânien a augmenté de deux centimètres. Elle crie encore un peu lorsqu’on lui prodigue les soins du visage. Ses yeux, ses oreilles, son nez assujettissent notre attention la plus scrupuleuse. Lors du bain, elle reste tendue et regarde dieu sait quoi vers l’arrière. Elle se mange souvent sa petite main et nous nous demandons si elle ne commence pas à faire ses dents. J’aide la maman du mieux que je peux dans ses ablutions quotidiennes. Pour le reste, les changements de couches, les biberons sont scandés par des :

-         Tu as oublié de débrancher le chauffe-biberon, le paquet de lingette se referme après usage, je t’avais demandé de me descendre le bavoir. Lorsque l’on  pas de tête on a des jambes.

Mais rien ne me perturbe et lorsque je vois ces petits sourires qui sont des sourires-réponses et plus des sourires-réflexes, l’amour, la joie, le bonheur passent par cette voie royale exclusive aux humains. Ce sourire me fait tout oublier et je manifeste sans retenue mon extase devant cette beauté indescriptible. J’ai envie de courir de sauter, de gambader. Pour me calmer je vais faire un footing.

Les chemins d’accès aux étangs sont tous un peu les mêmes. Je passe la voie de chemin de fer qui longe la nationale et qui va vers Abbeville pour suivre la rivière de l’Airaines afin de rejoindre ensuite les chemins de halage qui suivent la Somme en direction de Long. Puis, je reviens en passant entre l’étang des dix et l’étang du grand marais. Au pont blanc, je bifurque vers le pont du vacher et je m’en retourne vers le centre ville.

Au fil de ma course, je découvre une faune et une flore caractéristiques qui se sont installées dans cette tranche de l’arrière pays. Des saules cendrés, des marsaults et des aulnes étalent leur ramage. En été, la Parnassie des marais couvre certains prés. C’est une espèce protégée aux petites fleurs blanches. Des petites huttes de pêcheurs sont plantées un peu partout. On ne peut qu’admirer leur camouflage. Des canards appelants parsèment l’air de cris agaçants. Des rats d’eau plongent à l’écoute de mon pas. La brume matinale recouvre tout. De temps en temps, le coup de fusil d’un braconnier me fait baisser la tête. La sensation de liberté est plus forte : je cours dans le brouillard distinguant à peine où je pose mes pas.

Un soleil sec couve les bois aux allures décharnées. Déjà, on sent les frémissements de la terre qui annonce le printemps, le renouveau. Ce sera l’adieu à la neige qui n’est pas venue jusqu’à nous cette année. Enfin cela peut encore se faire. Il y a des flocons tardifs parfois.

 

Le bain de Noéline doit durer dix minutes au moins. C’est une indication du parfait petit manuel du papa. Je la plonge dans sa bassine rose. Elle remue ses petites jambes boursouflées. Elle est grassouillette ma fille. Elle tient de son père. Pensez donc, il m’arrive de m’envoyer une côte de bœuf entière en un repas, enfin uniquement le dimanche.

Je la savonne longuement, ensuite je la mets dans son bain siège. La température de l’eau est à 37°degré. C’est parfait. Je lui fais quelques petits massages des pieds. Je joue avec elle. Elle m’éclabousse en faisant du rétro pédalage avec ses mollets de cycliste. Je la sors de l’eau. Je l’essuie et vais lui préparer son biberon qui doit être servi juste après le bain de madame. Pendant que le chauffe biberon fait son office je remonte lui prodiguer quelques soins. Là, elle n’aime pas du tout. Elle pleure et hurle pendant que je lui triture les oreilles que j’enfonce les cotons dans son petit nez et que je passe une solution aqueuse et hydratante sur son visage de poupin. Comme elle est belle ! Je termine de lui faire avaler son biberon, lorsque sa mère en profite pour rentrer, exténuée par une journée de travail.

-         Ma fille va bien ?

-         Elle va bien, surtout après le biberon. Avant, c’est plutôt intenable. Elle crie comme un cochon que l’on écorche.

Puis passant du coq à l’âne.

-         Demain, tu iras voir la nourrice que je t’ai trouvée. Elle a l’air O.K. Ton congé de paternité touche à sa fin. Il faut que tu lui laisses Noéline une fois ou deux à l’essai.

Et nous passons à table après avoir couché ensemble notre fille adorée, plein de cette nouvelle vie qui s’ouvre devant nous. Déjà le travail nous happe et je ne pourrai bientôt plus profiter de ma fille à plein temps. Dommage. Tout va trop vite.

Publié dans jeux d'écriture

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