Papatitude 10

Publié le par paul geister

 

A chaque instant, son image m’envahit, une voix me demande pourquoi je la quitte : j’aime grandement ma fille.

 

Elle me regarde, la tête posée sur le divan, je n’oublierai jamais ce regard majeur.

 

Papa ferme la porte. Il reprend son absence.

 

C’est un angelot de la crèche qui s’est envolé vers le ciel.

Enfant du matin, plane dans la rosée, réchauffe-toi sur les grands murs qu’éclaire le soleil, abandonne les coins sombres que les hommes construisent.

 

Les pistolets ne sont pas des jouets.

 

Tu serais mondaine, hautaine, vaine que je dirais encore au temps qui file : « Ne tourne plus, elle est si belle ! ».

 

Elle a franchi le coin de la rue, elle se réfugie dans les bras de la nourrice.

 

Notre groseillier secoué comme un drapeau au vent serre ses petits doigts dans les miens : « vent. ». Son visage s’extasie de la forte brise, de ses cheveux qui ondulent sous le souffle.

Elle sourit, petites dents accrochées sur la lèvre inférieure, explore la sensation qui décoiffe, écarte les doigts et conclut par : « HMMMMM, VENT ».

Elle se hâte lentement de ses découvertes, ses inventions. Je comprends que je vide de l’intérêt qu’elle leur accorde, avec jalousie, ses moments de bonheur.

 

Elle m’échappe déjà.

 

La lumière d’août voit sa hutte dans le jardin, bâtie à flanc de haie, comme l’indice d’un vieux palais. Son mouchoir sert de dînette aux courtisans de sa cour. Je la regarde par la trouée du mur. Elle éteint son jeu d’un lent abaissement de paupières.

 

Les miaulements de Sélène l’éveille ; elle court à la fenêtre et voit le chat s’éloigner dans le jardin. Dans son costume du matin, pyjama et chaussettes, elle minaude après le chat et se plaint de son costumier qui aurait dû déjà l’habiller.

Après, quelques ablutions et un solide déjeuner elle retrouve sa petite coterie chez la nourrice : Susu et Honorine.

Elle dirige, ordonne, gère, scénarise et enfin usées de fatigue elles dorment d’une juste sieste, laissant une nounou éreintée.

 

Le jardin est une grande récréation. Des avions passent dans le ciel. Des herbes sentent la ciboulette. Un chat trotte sur le toit. Un chien aboie. La cloche de l’église plaint le jour qui se noie dans le sang du soleil. Elle réveille la tourterelle. Elle offre un bouquet à maman et à papa. Le toboggan la dépose devant la balançoire. Le ballon est jeté loin dans les airs.

Publié dans jeux d'écriture

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