le refuge 14

Publié le par paul geister

-         Simon…

Patrick n’eut pas le temps de penser plus loin. Il se vit flotter doucement au-dessus de l’asphalte. Il vit Simon qui venait de se matérialiser en forme de chevreuil pour sauver l’enfant, son enfant. Il vit l’enfant passer à deux cheveux du camion et il ressentit plus qu’il ne vit l’arrière train du chevreuil voler en éclat. Du sang jaillit des cuissots vint arroser son visage, brouilla sa vie et il ne put à la fin que se confier à son instinct. Il déroula son corps avant de s’aplatir sur le bitume dans un roulé boulé plus ou moins contrôlé. Il croisa ses avant-bras sur la tête pour l’empêcher de heurter le macadam puis pria pour bien calculer sa trajectoire. Il passa sous le châssis du camion. Il sentit l’énorme bête humaine, furieuse d’avoir raté sa proie, lui baver de l’huile, de la fumée de caoutchouc dans un crissement continu. Enfin, il se retrouva derrière le monstre, tout étourdi de ce qui venait de se produire. Il se releva en titubant.

-         Simon…Simon…

Le pauvre chevreuil blessé tentait fièrement de relever sa tête. Dans son port noble, on sentait la satisfaction du devoir accompli. Il entendit la voix de Simon dans sa tête, alors qu’il voyait la bête agonir sans pouvoir rien faire.

Il tomba à genoux sanglotant de reconnaissance et de soulagement.

-         Relève-toi Patrick. Ce n’est pas fini. Vite, emmène-le dans l’église. N’écoute que ta mission et non tes sentiments.

-         Mais je ne peux pas t’abandonner !

-         Pour moi il est trop tard. J’ai fait mon temps et racheté ma faute. Une vie pour une vie. Le très haut m’a permis le rachat de mon âme. A toi maintenant d’accomplir ton destin.

Alors doucement le chevreuil inclina son cou gracile, puis ferma ses yeux. Le bout de sa langue rose finissant de faire risette à la vie.

Patrick entendit les pas précipités derrière lui. Il entendit Sandra qui criait : « Patrick, ce n’est pas possible cela ne peut être… »

-         Finis ta mission. L’église…

L’animateur se redressa. L’enfant, Patrick comme l’avait nommé sa mère gisait encore à terre. A grandes enjambées L’animateur se dirigea vers l’enfant, se saisit de son corps dans les bras et disparut dans l’église, alors même que la police, alertait par le contrôleur arrivait sur la place.

Dans l’église, il faisait sombre. Seules, quelques bougies illuminaient le bâtiment et quelques fenêtres grillagées. Des arcs romans parcouraient l’édifice et les embrasures filtraient le jour. Près de l’autel, une bible était ouverte. A côté, une grille donnait sur la crypte.

L’animateur s’adressa à son fils.

-         Patrick. Je suis ton père. Ce livre est le tien.

Patrick s’empara de la bible. C’est le premier et le dernier livre des hommes. Il est précieux car il contient les tablettes du destin. Prends en soin, car lorsque je partirai mon âme y reposera.

      Patrick se saisit des noisettes, toujours dans la poche de son manteau et demanda à son fils de s’approcher.

- Aujourd’hui des sacrifices ont eu lieu pour qu’un jour tu puisses sauver le monde. Saint Pierre de Clages est un lieu sacré qui a choisi une voie difficile. Bénie cette voie. C’est celle des vraies âmes et de la sérénité pour tous les hommes. Le reste n’est que turpitude, pouvoir. Lorsque tu seras devenu le grand conservateur en chef de la bibliothèque du village. N’oublie pas de déposer le livre sur la pierre qui repose dans la crypte. C’est une pierre de vie et non de pouvoir. Elle saura prendre soin du livre premier. Regarde la pierre se trouve juste où je lance ces noisettes.

Patrick lança les fruits, puis se retourna vers son fils. Mais il n’eut pas le temps de poursuivre. Sandra venait d’apparaître. Elle courut vers son fils et l’embrassa comme jamais mère n’a embrassé son fils.

Publié dans jeux d'écriture

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